Droit du travail | Certificat de travail
Indépendants: Quelles sont les modalités en Suisse?
Selon un sondage de Deloitte Suisse, un quart des travailleurs suisses exercent une activité indépendante, que ce soit en tant qu’activité principale ou complémentaire. A quoi faut-il veiller en matière de droit et de fiscalité dans un tel cas? Une experte et un expert nous résument les points importants.
Qu’entend-on par « indépendant »?
Roland Bachmann: Un/e indépendant/e est une personne active accomplissant des tâches pour une ou plusieurs entreprises, sans être employée par celles-ci. On utilise aussi le terme anglais « freelancer » pour les désigner. Les activités en freelance sont multiples et variées.
La loi ne définit pas précisément qui doit être désigné comme « freelance ». En règle générale, les indépendants sont moins intégrés à l’organisation d’une entreprise que les salariés. Ils peuvent disposer d’un poste de travail au sein de l’entreprise, mais profitent généralement d’une plus grande liberté en ce qui concerne l’organisation de leur travail. Si les freelancers acceptent un mandat, ils doivent respecter les délais imposés, mais peuvent déterminer leurs horaires de travail de façon autonome et indépendamment des employés de l’entreprise.
Peut-on exercer une ou plusieurs activités indépendantes en marge d’une activité de salarié?
Roland Bachmann: En principe, les emplois multiples ou activités accessoires sont autorisés. Un employeur peut toutefois interdire l’exercice d’une activité accessoire indépendante si l’exercice de cette activité fait concurrence à l’employeur ou représente un risque pour sa réputation. Cela relève du devoir de fidélité de l’employé, selon le droit du travail. C’est pourquoi les contrats de cadre précisent souvent que l’exercice d’activités accessoires doit d’abord être autorisé par l’employeur.
Dans quelle mesure cette activité indépendante est-elle autorisée en marge d’une relation de travail?
Roland Bachmann: En s’appuyant sur le devoir de fidélité de l’employé, l’employeur peut exiger que l’employé arrive au travail en étant reposé. Par conséquent, si l’activité accessoire indépendante entraîne une fatigue chronique chez l’employé, l’employeur peut interdire cette activité. En parallèle, l’employé a l’obligation d’informer l’employeur du démarrage d’une activité accessoire.
A quoi faut-il veiller du point de vue fiscal lorsqu’une personne est non seulement salariée mais également indépendante?
Marlis Müller: Le revenu d’une activité indépendante, tout comme le revenu d’une activité salariée, est imposable. Le revenu d’une activité indépendante est à déclarer séparément sur la déclaration d’impôts. Ce revenu est ensuite communiqué à l’assurance sociale pour déterminer le montant des cotisations sociales.
Pour simplifier la différence de taxation, il est conseillé de séparer les revenus et dépenses privés et commerciales. Il est donc recommandé aux travailleurs indépendants d’ouvrir un compte séparé pour leur activité afin d’assurer une distinction nette entre leurs dépenses et revenus professionnels (issus de l’activité indépendante) et leurs dépenses et revenus privés (issus d’une activité salariée, par exemple).
Où doit-on s’annoncer lorsqu’on exerce une activité indépendante?
Marlis Müller: En tant que travailleur indépendant (freelancer), on est obligé d’annoncer son revenu correspondant à l’Etablissement cantonal des assurances sociales (à l’exception des revenus annuels issus d’une activité indépendante accessoire inférieurs à CHF 2’300). Le travailleur indépendant règle seul ses cotisations sociales et travaille à ses propres risques. En cas d’absence pour cause de maladie, par exemple, le client n’a pas l’obligation de lui verser une indemnité (contrairement à l’employeur).
Suite à l’inscription auprès de l’assurance sociale, le travailleur indépendant doit généralement verser des acomptes calculés sur la base du revenu annoncé. Comme mentionné plus haut, le revenu issu de l’activité indépendante doit également être indiqué dans la déclaration d’impôts. Si son chiffre d’affaires annuel dépasse CHF 100’000, le travailleur indépendant est soumis à la taxe sur la valeur ajoutée et doit s’annoncer auprès de l’Administration fédérale des contributions.
Doit-on aussi s’annoncer si l’on n’a que peu de mandats et touche des honoraires peu élevés?
Marlis Müller: En principe, l’ensemble des revenus issus d’une activité indépendante doivent être annoncés à l’assurance sociale (à l’exception des revenus annuels issus d’une activité indépendante accessoire inférieurs à CHF 2’300). Dans la déclaration d’impôts, tous les revenus doivent être déclarés.
A quoi doivent veiller les freelancers en Suisse?
Roland Bachmann: Les indépendants doivent veiller à avoir une couverture d’assurance suffisante en ce qui concerne les risques d’accident, de maladie et d’invalidité. Ils doivent annoncer leur activité à la caisse de compensation et ne doivent pas oublier la prévoyance professionnelle. Selon les circonstances, les indépendants doivent s’inscrire en tant qu’entreprise individuelle au registre du commerce. Dans une telle situation, il faut se demander s’il ne vaudrait pas mieux fonder une Sàrl. Il faut aussi se poser des questions en matière de fiscalité. Enfin, s’ils ne connaissent pas bien les dispositions légales, il est recommandé de demander conseil à un organe indépendant.
En matière de fiscalité, quelle est la différence entre un salarié et un indépendant?
Marlis Müller: Le droit fiscal suisse distingue les revenus d’une activité indépendante (freelance) de ceux d’une activité dépendante (salariée).
En droit fiscal, plusieurs indices permettent de faire la différence entre un travailleur indépendant et un salarié. Par exemple, la relation de subordination est un indice important. Un travailleur indépendant participe aux échanges commerciaux dans un but lucratif de façon indépendante et à ses propres risques. Afin de déterminer si un travailleur est indépendant ou non, la situation est à évaluer au cas par cas.
Du point de vue fiscal, les différences entre activité indépendante et dépendante résident principalement dans la validité des éventuelles déductions. Si le revenu provient d’une activité dépendante, les dépenses professionnelles usuelles, comme les frais de transport, de repas, etc., peuvent être déduites. Pour les indépendants, ces frais ne peuvent pas être déduits, mais les dépenses justifiées par l’usage commercial peuvent l’être, tout comme des ajustements de valeur, amortissements et provisions peuvent être effectuées. Par ailleurs, les pertes issues d’une activité indépendante peuvent être déduites du revenu imposable pendant sept ans.
Peut-on utiliser l’infrastructure de son employeur pour son activité indépendante?
Roland Bachmann: Sans l’accord explicite de l’employeur, l’infrastructure de l’employeur ne peut pas être utilisée pour l’exercice d’une activité accessoire indépendante. L’employeur met ses outils de travail à la disposition de l’employé pour que celui-ci remplisse ses obligations contractuelles. Si l’employé souhaite utiliser son poste de travail pour exercer une activité accessoire indépendante, il doit en demander l’autorisation à son employeur au préalable. L’usage commercial des outils de travail n’est à pas confondre avec leur utilisation occasionnelle à des fins privées.
Roland Bachmann est avocat spécialisé en droit du travail et partenaire chez Wenger Plattner. Marlis Müller est associée dans l’équipe spécialisée en droit fiscal chez Wenger Plattner.